Publié le 27 Novembre 2021
A compter du 1er janvier 2022, dans les annonces immobilières devra figurer en plus du DPE, une évaluation de la facture énergétique théorique du logement.
Si l’on comprend bien que cette évaluation se fera selon les caractéristiques ayant servi à la réalisation du DPE du logement, on peut raisonnablement s’inquiéter du fait que cette évaluation soit basée sur les mêmes ‘zones climatiques’.
Verra-t-on apparaître la même dépense en chauffage pour notre appartement dans l’Aveyron que pour celui en bord de mer à Biarritz dès lors que la classe DPE est identique ? Une dépense équivalente de chauffage pour l’habitation d’une ferme en campagne dans le Nord que la même maison dans le centre de Neuilly ? C’est prévisible. Mais il ne s’agira que d’une indication nous dit la réglementation. Sauf que cette indication aura servi d’une part aux acquéreurs pour établir leur budget prévisionnel (remboursement de prêt + taxes foncières + factures d’énergie) mais également aux organismes de crédit qui calculeront les possibilités de remboursement de prêt des emprunteurs. Or si le montant des dépenses en chauffage peut apparaître quasi-anecdotique pour l’acquéreur d’un appartement en plein centre-ville de Neuilly, il peut occuper bien davantage d’espace dans le budget de l’acquéreur d’un logement modeste en zone rurale.
De là, on peut malheureusement envisager une double (voire une triple) peine pour les propriétaires de passoires énergétiques. D’abord la difficulté à envisager de tirer un prix suffisant du logement mal classé énergétiquement qu’ils souhaitent vendre pour en acquérir un nouveau plus performant, puis le peu d’intérêt d’éventuels acquéreurs à investir dans un logement qu’ils ne pourront plus louer (si tant est qu’ils puisent en espérer une rentabilité locative) ; et ensuite, le couperet du niveau d’endettement possible des rares ménages qui souhaiteraient l’acquérir pour y résider. Une fois le cumul ‘échéances + foncier + factures d’énergie’ effectué par l’organisme de prêt, peu d’emprunteurs modestes auront accès à la propriété immobilière y compris celle des passoires énergétiques.
A savoir : Selon Les Echos, il est d’ores et déjà annoncé que « Les deux tiers des Français non-propriétaires estiment ne pas avoir les revenus suffisants pour acquérir leur logement ». Et cette enquête ne prend en compte que les revenus nécessaires à l’achat sans considérer le montant des impôts et taxes (foncier + TAOM) ni celui des factures en énergie.
D’ici janvier 2022, alors que le prix des énergies aura encore bien grimpé, lorsque le montant estimé des factures en énergie notifié dans les annonces viendra briser toute velléité d’achat immobilier de logements plus ou moins énergivores alors que le neuf sera encore plus cher ; qui pourra encore acheter (et chauffer) un logement ? Sera-t-il toujours éthiquement envisageable de distribuer encore davantage de chèques énergie aux nouveaux acquéreurs de passoires énergétiques et des chèques carburant à ceux qui demeurent éloignés de leur travail ? Moralement, on peut avoir l’impression qu’on est à l’inverse du système ‘pollueur-payeur’ et que ces aides sponsorisent la pollution (fioul, gaz, GES, carburants auto) plutôt que tendent à l’éradiquer.
Puis, en 2022, lorsque d’éventuels candidats à l’achat découvriront sur l’estimation des factures en énergie des annonces immobilières qu’il ne revient pas plus cher de chauffer une maison identique que celle-ci soit au bord de l’océan ou en rase campagne dans l’Aveyron, ils feront peut-être le choix de l’Aveyron (où les taxes foncières sont sûrement plus contenues). Choix qu’ils regretteront (eux et leur banquier) peut-être dès le premier hiver…
A savoir : Tout cela n’est pas de la pure fiction puisque de nos jours une banque au moins a déjà refusé un prêt immobilier au prétexte présumé que la classe E du DPE du logement convoité induirait trop de dépenses à l’acquéreur. Source Capital